D'après la tradition orale recueillie auprès des anciens du pays et
telle que la raconte M'BAYE MADICKE dit DETHIORO, Historien des Damels du
Cayor.
TAIBA ou TAYENA-BA
Sous le règne du 22ème Damel du Cayor
(1),
AMARY N'GONE N'DELLA, le nommé MOUSTAPHA M'BAYE, marabout
très vénéré par
ses connaissances, avait demandé à son souverain l'autorisation de quitter
avec ses adeptes, son village natal, fondé par son grand-père et qui
s'appelait à l'époque Longhor, dans la province de M'Bakol, non loin du
village de Tilmaka (arrondissement actuel de Niakhène), département de
Tivaouane.
Ce Marabout partit, suivi de son jeune frère MEPATHE M'BAYE et de ses
talibés (2),
à la recherche de terres plus
fertiles et plus isolées pour pouvoir mieux enseigner le Coran, dans le
silence et le recueillement.
Il se dirigea vers
l' Ouest et, après une vingtaine de jours de marche, découvrit une vaste
forêt inculte, très dense et très riche en végétation, située non loin de
l'Océan. Il y pénétra et, une nuit, il eut une révélation: il reçut l'ordre
de s'arrêter et d'installer son village et son école coranique. Il fit donc
bâtir son village qu'il appela "TAIBA KHADE", ce qui
veut dire "PAYS BENI DES DIEUX".
Le village
prospéra rapidement, s'agrandit et les troupeaux se multiplièrent.
Aussi
MOUSTAPHA M'BAYE décida de se séparer de son frère
MEPATHE M'BAYE, qui fonda un deuxième village à
quelques kilomètres de là et qu'il appela "TAIBA M'BAYE",
situé à proximité de la future exploitation des PHOSPHATES DE
TAIBA.
(1)
Roi du Cayor
(2)
Disciples
En 1809, dans la
dix-neuvième année de son règne, le Damel AMARY N'GONE N'DELLA
mourut et ce fut BIRIMA FATMA THIOUBE qui lui succéda
sur le trône. Ce fut le 23ème Damel du Cayor. Il régna pendant
vingt-trois années au cours desquelles les deux fils de la famille régnante
du Dioloff, les N'DIAYE : BAKARY N'DAME
KHEUR N'DIAYE et son frère MAMOU COUMBA N'DIAYE,
immigrèrent dans le Cayor.
Arrivé à Louga (à
50 kms de Saint-Louis), province du Diambour, MAMOU COUMBA N'
DIAYE se sépara de son frère pour aller vers Gandiol. Il s'installa
dans le village de Soukoudou où il fonda une famille.
BAKARY
N'DAME KHEUR N'DIAYE alla dans la province de Samakhor et y bâtit un
village avec les quelques habitants de la région. Il l'appela Salifa.
En 1832, le Damel
BIRIMA FATMA THIOUBE mourut et laissa le pouvoir à son
frère MEISSA THINDE DIOR SAMBA. Celui-ci parcourant un
jour ses Etats accompagné de sa mère, arriva aux frontières, à proximité du
village de Salifa. Sa mère prise de malaise mourut au village de Salifa.
Après avoir enterré la défunte, le Damel confia la garde de la tombe à
BAKARY N'DAME KHEUR N'DIAYE pour éviter que les boukis
(3)
viennent déterrer le corps et le dévorer.
BAKARY N'DAME KHEUR N'DIAYE accepta cette mission
en promettant de veiller consciencieusement sur la tombe jusqu'au retour du
Damel qui partait en pèlerinage. Il fit construire une case au-dessus de
celle-ci et habita à proximité pour en assurer la garde nuit et jour.
(3)
Hyènes
Deux ans après, à
son retour de pèlerinage, le Damel retrouva la tombe intacte et pour
récompenser son fidèle ami, il lui demanda ce qu'il désirait.
Celui-ci lui
demanda:
- le droit de débaptiser le village de Salifa et de l'appeler M'Bar, de
bâtir le village autour de la petite case construite pour abriter la tombe,
- des terres de cultures lui permettant de ramener à ses côtés le reste des
membres de sa famille qu'il avait laissée au Dioloff, ainsi que son jeune
frère MAMOU COUMBA N'DIAYE qui se trouvait alors à
Gandiol, dans le village de Soukoudou, où les faibles moyens de cultures
dont il disposait ne lui permettaient pas de subvenir à l'entretien de sa
nombreuse famille.
Le Damel accepta
et les vaste terres de cultures de TAYENA-BA (qui
devint par la suite TAIBA, emplacement actuel de la
Mine) lui furent attribuées.
Ces terres étaient
limitées au Nord par les Niayes, s'étendant de M'Baye Baye Keur Bira N'Dame,
prés de Khombole, jusqu'au bord de l'Océan; au Sud par la borne naturelle de
l'arbre de Kane du village de Keur Bocar Birima en passant par le baobab
dénommé Khoubida, situé aux alentours du village sérère M'Baraclou Dambal; à
l'Est, par le village de Salifa, baptisé M'bar, dans la région de Saniakhor,
où repose pour toujours la mère du damel; à l'Ouest par l'ancienne
forteresse de MBidjani près de la Tenema de Keur
(4)
M'Bir N'Daw.
(4)
Maison
Quelques mois
après l'attribution de ces terres, BAKARY N'DAME KHEUR N'DIAYE
repartit pour son pays natal, le Dioloff, pour y chercher le reste de
sa famille. Sur le chemin du retour, il passa à Gandiol et ramena avec lui
son jeune frère MAMOU COUMBA N'DIAYE accompagné de son
fils aîné HELAR MAMOUR, qui était lui-même déjà père
de famille.
BAKARY
N'DAME KHEUR N'DIAYE mourut quelques mois après leur installation au
village de M'Bar, et son jeune frère MAMOU COUMBA N'DIAYE
devint le chef du village et resta un fidèle serviteur du Damel. Ce
dernier mourut en 1855 après vingt-trois années de règne. Le prince héritier
BIRIMA N'GONE N'DELLA lui succéda, mais ne régna que
quatre ans, de 1855 à 1859, au cours desquels le Cayor connut d'énormes
difficultés.
En effet, le marabout
BABA ALIMA, jaloux de la puissance et de la fortune de
la famille de BAKARY N'DAME KHEUR N'DIAYE, en
particulier de son frère MAMOU COUMBA N'DIAYE et son
fils HELAR MAMOUR, poussa le Damel à incendier le
village de M'BAr et à les chasser vers la presqu'île du Cap-Vert (Dakar).
MAMOU
COUMBA N'DIAYE mourut en cours de
route et fut enterré dans le petit village sérère de Koffe, dans la région
de Mont-Rolland.
Son fils
HELAR MAMOUR continua sa route et arriva à Dakar un
mois après son départ. Le Grand Sérigne de Dakar, DIAL DIOP,
lui donna la main de sa fille AMINATA DIAL DIOP vers
la fin de 1858. De cette union naquit un fils qui porta le nom de
SONGO AMINATA LE TRIBAN dont les actes et la
popularité ont toujours étonné le Damel de son époque.
Quelques temps
après la naissance de son premier enfant en 1859, HELAR
MAMOUR N'DIAYE apprit la mort du Damel
BIRIMA N'GONE N'DELLA à Bardial. Ce dernier fut
remplacé sur le trône du Cayor par le Damel MACOUDOU COUMBA
DIARIGNE, qui mourut à son tour dans le courant de l'année 1861. Le
Damel MADIODOU DEGUENE CODOU lui succéda de 1861 à
1864.
HELAR
MAMOUR N'DIAYE revint alors dans le Cayor pour
offrir ses services et sa collaboration au nouveau Damel
MADIODOU DEGUENE CODOU et pour revendiquer en même temps la
restitution de ses terres de cultures. Par générosité, par désir de
reconstituer et repeupler son royaume, le Damel accorda à
HELAR MAMOUR N'DIAYE le droit de revenir et de
reprendre toutes les terre de ses ancêtres.
C'est ainsi que
HELAR MAMOUR N'DIAYE alla rendre
visite au Sérigne de TAIBA KHABE et fonda le
village de TAYENA-BA N'DIAYE
ou TAIBA N'DIAYE.
La légende raconte
que TAIBA N'DIAYE a une signification particulière.
Elle veut montrer aux populations que malgré la méchanceté de certains, en
particulier du marabout BABA ALIMA,
HELAR MAMOUR N'DIAYE est revenu dans ses
terres.
Dans le courant de
l'année 1864, le Damel MADIODOU DEGUENE CODOU, en
raison des exactions perpétrées sur ses sujets, fut appelé à Saint-Louis par
le Gouverneur du Sénégal, représentant la France, et fut mis en résidence
surveillée. Il se suicida en se jetant au milieu du grand bras du fleuve
Sénégal.
Après sa mort
tragique, le Cayor fut annexé en 1865 et, sur la proposition de
DEMBAWAR SALL, chef suprême des armées de thiedos
(5),
LAT DIOP N'GONE LATYR fut installé comme Damel du
Cayor. Il signa avec le Gouverneur du Sénégal un traité pour la construction
de la ligne de chemin de fer Dakar/Saint-Louis, traité qu'il ne respecta
pas. Le Gouverneur alors fut obligé de prendre les armes contre lui jusqu'en
1870, date à laquelle PINET LAPRADE le rétablit dans
ses fonctions de Damel.
Ce rétablissement
fut confirmé par le gouverneur VALLIERE, alors
Gouverneur du Sénégal, qui lui donna la possession de tout le Cayor, moins
le Gandio, les Salines et le N'Diander.
C'est à cette
époque que HELAR MAMOUR N'DIAYE
mourut dans son village de TAIBA N'DIAYE. Son fils
SONGO AMINATA lui succéda.
Depuis les années
1790 jusqu'à nos jours, les TAIBA sont restés
fidèles à la tradition des noms:
TAIBA KHABE
TAIBA M'BAYE
TAIBA N'DIAYE
TAIBA SANTHE
Ces quatre
"TAIBA" sont toujours classés
dans la légende comme des villages historiques dont les fondateurs sont les
M'BAYE et les N'DIAYE qui
appartiennent à la famille de MOUSTAPHA M'BAYE
(originaire de Konghor/M'Bahol) et à celle de BAKARY N'DAME
KHAR N'DIAYE (descendant de N'DIADIANE N'DIAYE
du Dioloff).